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L’achat de l’engin agricole est reporté. Au grand dam de Durandot, le patron au caractère aussi sombre et broussailleux que ses sourcils. Mais le directeur vociférant n’est pas tout à fait mauvais puisqu’il a mis au monde une fille belle comme le jour. Une mineure qui répond au doux nom de Curly comme un petit gâteau pour l’apéro !
Quand le chemin de la gamine croise celui du VRP, l’ado prend l’homo ordinaire et plutôt lâche pour un héros. S’entiche de lui. Lui colle aux basques. Lui court après. Si bien qu’Armand finit par enlever Curly. Devient son amant. En un mot, fait son « coming in » !
La sirène du Tarn et Garonne
Avec Le roi de l’évasion, Alain Guiraudie signe sa Sirène du Mississipi en suivant la fuite d’un couple au ban de la société. Parce que Curly (gracieuse et délicieuse Hafsia Herzi) n’a pas la majorité, parce qu’Armand (massif et envoûtant Ludovic Berthillot) vire soudain sa cuti, le village organise une battue pour mettre la main sur les amants interdits. Beurette-Neige avec ses cheveux noirs comme l’ébène et son petit cul adorable, Doudou-Frankenstein au derrière tout rose et dodu, Curly et Armand forment un drôle de couple en cavale qui s’enfonce et s’aime dans la forêt. Ils finissent par échouer dans une ferme où le quotidien s’organise tant mal que bien.
Hafsia Herzi
Ludovic Berthillot
Comme Marion Bergamo (Catherine Deneuve) dans la Sirène du Mississipi, Curly prend les rênes des sentiments avec toute la fougue et l’inconscience de la jeunesse. Armand Lacourtade, lui, ressemble à Louis Mahé (Jean-Paul Belmondo). Homme fade, il accepte d’être entraîné dans cette évasion parce que la jeune fille lui fait croire qu’il en est le roi.
Chez François Truffaut et Alain Guiraudie, les pourchassés se réfugient dans une chaumière. Si le personnage de Marion s’éveille alors à l’amour, Armand, lui, renaît à ses anciens penchants. Si Marion tente d’empoisonner Louis, Armand ligote Curly et l’abandonne au bord d’un chemin. Peu glorieux, il court rejoindre en slip ses potes paysans.
Mandragore de rêve
Même si Le roi de l’évasion n’atteint pas le lyrisme et la profondeur de Ce vieux rêve qui bouge (2001), comment ne pas s’incliner devant le dernier long-métrage d’Alain Guiraudie tant sa liberté de création fait un formidable pied de nez aux comédies françaises formatées par l’accès au prime time TV.
Avec Pas de repos pour les braves (2003) et Voici venu le temps (2005), le cinéaste crée un nouveau concept de personnage : l’homo rural. Il lâche ce spécimen dans son sud-ouest natal, le multiplie parmi les ouvriers, les bergers et les paysans, l’épanouit dans un univers où se côtoient le western, le récit picaresque et le conte philosophique, l’allume enfin avec une bonne dose de fantastique.
Si l’histoire de ce roi de rien du tout semble loufoque, voire absurde, elle traite avec subtilité du pouvoir qu’ont les jeunes femmes à doper les gros bébés avec leurs sentiments. Elle illustre à souhait la maxime de François Truffaut : En amour, les hommes sont des amateurs et les femmes sont des professionnelles.
Curly flatte la vanité d’Armand. Celui-ci, las des plans sexe sans lendemain, succombe en espérant connaître une relation différente, rangée, imprégnée du modèle majoritaire.
C’est en devenant à son corps défendant le roi de l’évasion (Armand s’échappe de lui-même avant tout) que le vendeur revient non seulement à sa nature homosexuelle, mais assume aussi ses penchants gérontophiles. Comment ?… Grâce à la « dourougne », une racine aphrodisiaque poussant dans les sous-bois du Tarn et Garonne, une mandragore bio mi-Viagra, mi-EPO que croquent à pleines dents les hommes du film. Résultat, tous en pincent pour Armand, gros phoque tout nu qui termine son parcours parmi ses prétendants !
Champ de drague
Alain Guiraudie s’y entend comme personne pour transformer la campagne en champ de drague où les agriculteurs goûtent au plaisir de la queue et succombent à la tendresse d’un baiser profond.
Une fois encore, le réalisateur offre à ses comédiens une direction d’acteur si précise que tous semblent redevenir débutants, vierges, amateurs dans le sens le plus noble du terme. Il faut voir Pascal Aubert en vieux briscard ravir le corps et le cœur d’Armand et aussi François Clavier en commissaire hiératique. Son interprétation rappelle celle d’Eusebio Poncela, l’inspecteur de police dont les yeux bleus caressent l’entrejambe des toréadors dans Matador de Pedro Almodovar.
Alain Guiraudie, lui, n’hésite pas à filmer au grand air les corps trop gras, les cous flapis, les fesses raplapla et les poils blanchis par la course du temps.
Au son des riffs somptueux de Xavier Boussiron, tous les personnages du Roi de l’évasion s’agitent d’une façon drôlement humaine parce que le réalisateur leur accorde le droit au doute, à la vieillesse, à la diversité physique, sexuelle et sentimentale.
Et moi, spectateur tout excité, je me mets à rêver d’une forêt ensoleillée où pousse la « dourougne ». Je la baptise Le Bel au Bois d’Armand. Je me désape et, en tenue d’Adam, j’y cours sur-le-champ !
Vous pouvez retrouvez cet article sur
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6 Ils ont dit
Ben voilà, je l’ai loupé et il ne passe plus chez moi.
ça m’apprendra.
Quel intérêt pour le sujet et l’acteur. Je me suis bien amusée en lisant ton article. Tu donnes vraiment envie d’aller voir le film ! Je te reconnais bien là !
Edith de Nantes
Cher Benoit,
Bonjour c’est Francine l’amie de Marie Brendel et Sylvain.
Pourrais tu inclure dans ton carnet d’envoi de ton blog l’adresse de mon ami que tu as rencontré lors de la représentation de la leçon d’anatomie au Centre cuturel canadien.
Merci et encore bravo
Biz
Francine
vachement bien tourné !
J’y vais !
Sheila
Ce bonheur partagé que de te lire à chaque fois,
aussi avec un adorable smily- teddy-bear!..
biz et à +vite,
e
Après avoir lu cet article, je n’ai qu’une envie, y courir !
Biz
JL